Par la gestion déléguée l’Etat ou une collectivité publique confie à un opérateur privé, public ou mixte, la gestion et le financement et parfois la réalisation d’un service public ou d’un ouvrage public. L’exploitation se fait aux risques et périls du délégataire.
La délégation de service public (DSP) n’est pas un nouveau type de contrat de gestion des services publics. Il s’agit d’une notion générique qui désigne un certain nombre de contrat ayant pour caractéristiques communes : un objet pluri-fonctionnel, une rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service, une durée de la convention plutôt longue puisque liée à la durée d’amortissement des investissements, un financement privé de l’exploitation du service et, en concession, des investissements initiaux, un transfert complet des risques d’exploitation et des règles souples de dévolution des contrats.
1.Un peu d’histoire.
Bien qu’il s’agisse d’un système très ancien, c’est d’abord au 17ème siècle, puis essentiellement au 19ème siècle, qu’ont été créés l’essentiel des infrastructures et grands services publics en France par le recours à l’initiative privée.
Dès l’Empire Romain, tous les types de contrats associant les partenaires publics et privés existaient déjà. Ainsi on recense déjà des marchés de travaux publics, des fermes fiscales et des concessions de travaux publics, notamment pour la construction des postes ou des ports.
Au Moyen Age, réapparaissent les fermes fiscales et domaniales dont le but est d’enrichir le roi, les seigneuries et les collectivités par le prélèvement de ressources. Ces autorités signent des « baux » assez confus qui mêlent des dispositions d’occupation des domaines et de passation des marchés publics. Les communes utilisent le même procédé pour obtenir des ressources en « concédant » par adjudication, « les banalités » (fours, pêches, moulins, halles, boucheries…) sous une forme d’exclusivité. Ces ressources permettront de payer quelques travaux ou prestations collectives, principalement la construction et l’entretien de ponts, quais, routes, remparts, halles, prisons, fontaines.
Puis, du Moyen Age à la Renaissance, apparaissent des contrats d’exploitation du domaine éminent du roi, nécessitant des investissements et, le plus souvent des travaux ; il s’agit des mines, des colonies nouvellement découvertes, de l’assèchement des marais ou de la construction de nouvelles cités dans des zones vides. Un officier du roi va être chargé de développer les concessions ou devenir lui-même concessionnaire pour l’exécution de ce programme.
Du 16ème au 18ème siècle, la société civile se développe considérablement. Il faut transporter les hommes, communiquer par la poste, disposer des services urbains de base comme l’eau et l’assainissement. Au fil des temps naissent des concessions de travaux et de services publics dont l’objet est d’équiper le pays en moyens de communication et de faire fonctionner les villes en leur assurant un ensemble de prestations. Au 16ème siècle, sont exécutés le canal Louis XII, la canalisation de la Vilaine et celle de la Durance. Mais il faut attendre le 17ème siècle pour voir les concessions de canaux se développer : Canal de Briare en 1636, canal du Languedoc en 1666, canal du Midi que l’on doit à Pierre Paul Riquet qui proposa en 1662 de relier la Méditerranée à l’Atlantique par une voie d’eau et obtint pour concevoir, réaliser et exploiter l’ouvrage, sa gestion déléguée.
Au 19ème siècle, la société française développe son urbanisation et son fonctionnement autour de la concession : du chemin de fer au métro en passant par la construction des villes, des routes, des marchés, de l’éclairage public, des réseaux d’eau, d’électricité et de téléphone, etc.
Au 20ème siècle, les effets des deux conflits mondiaux sur les contrats de concessions sont déplorables car ils entraînent la remise en cause de tous les contrats et du principe même de la délégation des services publics. L’Etat-providence privilégie l’initiative et la prise en charge publique des secteurs d’infrastructures et de services collectifs sans ignorer pourtant totalement les mécanismes de gestion déléguée.
Le renouveau de la gestion déléguée et du partenariat public-privé aura lieu dans les années 80 où la France développera son modèle de gestion en DSP et où apparaîtront les prémices du partenariat public-privé à travers l’aménagement de la domanialité des collectivités publiques.
Pour une étude approfondie, consultez notamment :
« 2000 ans d’histoire du partenariat public-privé », Xavier Bezançon, Presses de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, janvier 2004 ;
« Histoire de la France », Georges Duby, Larousse, 1983 ;
« Histoire de la France urbaine », Georges Duby, Paris, Le Seuil, 1980 (voir l’article sur la ville médiévale, p. 616 et s. ) ;
« Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution », Decrusy Jourdan et Taillandier Isambert, Paris, Belin-Leprieur, 29 volumes, 1820 ;
« Histoire de l’urbanisme à Paris», Pierre Lavedan, Hachette, 1993 ;
« Les travaux publics aux temps des Romains », Alfred Léger, 1875, réédition Librairie Laget, 1979 ;
« Histoire de la RATP », Michel Margairaz, édition Albin Michel, 1989 ;
« L’administration municipale de Paris sous Henri IV », François Miron, Plon, Paris, 1885 (Contactez les Archives de Paris).
2. Définition légale
Avant même la mise au point de règles juridiques par la loi Sapin, la notion de « délégation de service public » était apparue dans deux textes ; d’une part, la circulaire du 7 août 1987 relative à la gestion par les collectivités locales de leurs services publics locaux et, d’autre part, la loi d’orientation du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, dite loi ATR, qui comporte différentes dispositions sur les DSP dans le souci de rendre leur conclusion plus transparente.
La loi dite « Sapin » du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a pour objet de soumettre les procédures de passation des DSP, notamment des collectivités locales, à une réelle concurrence, de permettre le contrôle du choix du mode de gestion et de la convention de DSP par l’Assemblée délibérante et de rendre public son contenu. Les mesures prises pour atteindre ces objectifs sont :
d’une part, une mise en concurrence initiale permettant de favoriser la présentation de plusieurs offres concurrentes, suivie d’une négociation avec les candidats librement conduite pour faire émerger la solution la plus performante,
d’autre part, la limitation de la durée du contrat à celle de l’amortissement des équipements réalisés de manière à assurer une mise en concurrence périodique.
Cependant, la loi Sapin ne donnait aucune définition de la délégation de service public et il n’existait donc pas de définition législative de cette notion. La jurisprudence s’est donc chargée de circonscrire progressivement les éléments constitutifs de la notion de concession (CE, 15 avril 1996, Préfet des Bouches du Rhône c/ Commune de Lambesc, et 30 juin 1999, SMITOM). C’est finalement dans le cadre de la loi MURCEF du 11 décembre 2001, qui modifie la loi Sapin, qu’est apparue la première définition législative de la DSP (codifiée à l’article L.1411-1 du CGCT) qui n’a fait, au demeurant, que reprendre les acquis jurisprudentiels. Selon cette définition, « une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service ».
3. Typologie des délégations de service public.
La délégation de service public peut être organisée selon quatre mécanismes. Nous les présentons succinctement.
a. La concession.
La définition classique du contrat de concession résulte des conclusions Chardonnet sous un arrêt du Conseil d’État du 30 mars 1916, Compagnie d’éclairage de Bordeaux (Lebon p.125) que : « la concession est un contrat qui charge un particulier (ou une société) d’exécuter un ouvrage public ou d’assurer un service public, à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou sans garantie d’intérêt, et que l’on rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage public ou l’exécution du service public avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service public ».
b. L’affermage.
L’affermage est un mode de gestion du service public juridiquement assez proche de la concession. Il peut être défini comme le mode de gestion par lequel la collectivité délégante confie par contrat à un fermier le soin d’exploiter, à ses risques et périls, un équipement déjà construit en se rémunérant directement auprès des usagers par le versement d’un prix, moyennant une contrepartie prélevée sur les ressources qu’il retire de l’exploitation du service.
Ce mode de gestion, proche de la concession, en diffère sur deux points : – la construction des ouvrages nécessaires à l’exploitation du service public précède la conclusion du contrat et ne revient pas au fermier qui ne fait qu’exploiter les ouvrages sans avoir à les construire et les financer ; le fermier ne conserve pas l’intégralité des recettes reçues des usagers, puisqu’il doit en reverser une partie au délégant (la surtaxe), notamment pour l’amortissement des ouvrages construits.
c. La régie intéressée.
« La régie intéressée est le mode de gestion par lequel la collectivité va confier à une personne, le régisseur, la gestion d’un service public qui assure le contact avec les usagers, exécute les travaux mais qui agit pour le compte de la collectivité moyennant une rémunération forfaitaire, versée par la personne publique au régisseur et indexée sur le chiffre d’affaires réalisé ». (Waline, «La notion de régie intéressée», RDP 1948, p.345 et suiv.)
d. La gérance.
La gérance est un mode de gestion très proche de la régie intéressée. Le régime des travaux et des biens est identique. La gérance se différencie néanmoins de la régie intéressée par le mode de rémunération. Alors que le régisseur intéressé perçoit une rémunération dont la détermination n’est pas étrangère aux résultats de l’exploitation, le gérant perçoit quant à lui, une rémunération liée à des facteurs exogènes aux résultats de l’exploitation. Cette différence est essentielle pour déterminer l’appartenance de ce type de contrat à la catégorie des délégations de services publics. La jurisprudence la classe désormais plus généralement dans la catégorie des marchés publics et la gérance est, à ce titre, soumise au code des marchés publics (CE, 7 avril 1999, Commune de Guillerand-Granges, Req. n°156008 ).